Le musée de Pont Aven a la réputation de faire un beau travail de réhabilitation d’artistes ayant eu un rapport avec la région, soit par des attaches, de près ou de loin, dans le temps ou dans l’espace, soit qu’ils aient frayé avec la fameuse École. L’exposition qui vient d’ouvrir, consacrée à Tal Coat, natif d’un bourg voisin, aimerait nous en révéler le génie oublié. Une visite au Domaine de Kerguéhennec (qui détient un fond important) voici quelques années m’avait laissé perplexe. Je souhaitais donc en connaître plus, prêt à tous les efforts.
L’accrochage chronologique démontre, malgré les cartels qui voudraient nous faire croire le contraire, la faiblesse de cette peinture et, ce qui est terrible, l’acharnement de toute une vie dans la médiocrité laborieuse. La première salle, figurative, est digne des pires salons amateurs (le Port de Doëlan est d’une naïveté frisant la niaiserie), mais on peut pardonner à la jeunesse. Le critique Olivier Cena, très admiratif (lors d’une chronique sur une exposition de 2017 à Aix-en-Provence), évoque la « recherche d’un trait primitif ». Mais non, il ne peut pas faire mieux que ce trait primaire, c’est tout. La suite n’arrange rien, malgré la rencontre avec des grands (Picasso, Giacometti). Au contraire, il imite sans discernement. Le même Cena, à propos du Portrait de Gertrude Stein, parle du style ingresque picassien, alors que cette toile n’est que lourdeur des masses et du trait. Tal Coat rencontre Gruber, et se met à peindre comme lui (les Massacres), et tout à l’avenant. Et au long des salles, on voit la peinture se vider encore, ce qui est une prouesse puisque initialement, elle ne contenait rien. Les critiques crient au génie, parlent de dépouillement, de l’abandon de la forme (effectivement fort encombrante !) pour aller vers la lumière. Et on devrait avaler ça ? Non, on est en droit de penser que les recherches de couleur et de matières ne valent pas mieux, monochromes pauvres, terreux, désertiques, stériles.
Les cartels fourmillent de références oiseuses et devant la vacuité des œuvres se rabattent sur une description tautologique qui n’apporte rien d’autre que ce que la toile nous dit déjà, d’évidence.
Mystères de l’amitié, sans doute : comment Maeght a-t-il pu croire en ce travail ? Comment Henri Maldiney a-t-il pu lui consacrer autant de littérature ? Une phrase de lui en épigraphe d’une salle affirme que l’œuvre de Tal Coat veut « mettre fin à l’antithèse aveugle du figuratif et du non-figuratif ». Je pense autrement (mais je n’ai pas l’intellect de Maldiney…) : le parcours de Tal Coat montre l’entêtement à la fois affligeant et poignant d’un homme qui s’est fourvoyé dans la peinture.
Cette exposition se voudrait valorisante et bienveillante, elle est cruelle.