Des vies d’artistes sont actuellement violentées par des mesures gouvernementales arbitraires qui oublient purement et simplement leur existence.
En effet, le fond de solidarité est calculé pour eux comme s’ils étaient des entreprises ou des commerces, c’est-à-dire sur la perte du chiffre d’affaire d’au moins 50 % par rapport à celui de l’année précédente. Comment font les artistes qui l’ont consacrée essentiellement, cette année précédente, à travailler sur leurs expositions prévues en 2020, isolés dans leurs ateliers et dans leurs recherches, et n’ont donc pas de chiffre d’affaire suffisant à faire valoir ? Comment font alors les artistes indépendants – je veux dire : ne dépendant pas des institutions —, pour faire valoir le préjudice subi par des expositions prévues de longue date et annulées brutalement en engloutissant par là même des investissements importants ? Comment vont-ils faire pour tenir, financièrement et moralement, en attendant une hypothétique reconduction l’année prochaine de leurs projets avortés, dans la crainte d’un ajournement des expositions à venir pour cause de calendriers impossibles ? Il n’existe pas de statut d’ « intermittent des expositions », qui permettrait de subsister pendant les périodes de création. Les peintres, sculpteurs, plasticiens, ne sont pas des entrepreneurs. Des millions d’euros sont alloués au cinéma et à son industrie, l’intermittence du spectacle bénéficie d’une année blanche, on parle de soutien massif à la culture, au spectacle vivant, au théâtre, mais le silence est entier en ce qui concerne la situation des artistes auteurs (indépendants j’insiste, aux revenus irréguliers, par nature), qui voient leurs charges appelées, leurs loyers courir, leurs factures arriver, sans pouvoir montrer leur travail et dans un contexte d’incertitude grandissante. Ces artistes-là, ignorés, seront obligés de puiser dans leurs fonds propres et dans leurs ressources morales, quand ils en ont. C’est dans leur art qu’ils doivent se réinventer, nulle part ailleurs. Pour eux, les couleurs de l’avenir s’assombrissent.