écrits d'artistes

Notes de lecture

Les artistes sont-ils les mieux placés pour parler de l’art ?
J’aimerais partager ici quelques livres qui ont été et me restent importants, qui apportent (peut-être) quelques éléments de réponse, à cette question et à bien d’autres, tout en ouvrant de nouvelles interrogations. Certains m’accompagnent depuis bien longtemps, de ces livres qui rejoignent rarement la bibliothèque, se déplacent de la maison à l’atelier, d’une pièce à l’autre. Des livres à propos de peinture, pour la plupart écrits d’artistes, qui savent de quoi ils parlent. Des textes qui pour moi illustrent l’intemporalité de certaines conceptions artistiques, ni vieillottes, ni d’avant-garde, simplement quotidiennement contemporaines, depuis toujours, et désormais. Les mots d’artistes qui semblent démontrer que l’idée de progrès en art est une imposture, que la question n’est pas là. Que la rivalité (ou l’opposition) entre abstraction et figuration est inutile, déplacée, sans fondement, que la question n’est sans doute pas là non plus. Des écrits qui s’adressent à tous, artistes ou non, ce qui s’y dit pouvant si souvent s’étendre et concerner d’autres domaines…

Parmi eux, ouvrages fondateurs, livres qu’on ne termine jamais parce qu’on y revient toujours, « Le traité de la peinture » de Léonard de Vinci (Berger-Levrault), et « La peinture » d’Alberti (Seuil), dont la plupart des idées ne sont aujourd’hui absolument pas datées. Le « Journal » de Delacroix (Plon), qui est à mon sens une somme des questions (toujours très actuelles) relatives à la condition de l’artiste au travail, en recherche, qui doute, à la fois totalement indépendant et si attentif à son époque, témoin conscient des changements qui s’opèrent ou se préparent. « Le temps de la peinture » de Jean Bazaine (Champs, Flammarion), simple, modeste, et tellement profond, les « Ecrits sur l’art » de Matisse (Ed. Hermann), un des plus marqués et soulignés de ma bibliothèque, les « Propos sur la peinture du Moine Citrouille-Amère » de Shi Tao (Hermann), les « Propos sur l’art » de Picasso (Gallimard), une sorte de compilation de réflexions, les « Lettres à Théo » de Vincent Van Gogh (Imaginaire Gallimard), qu’on ne présente plus, mais les a-t-on lues ? Tous ces livres dépassent le particulier — pas toujours intentionnellement, d’ailleurs — pour s’intéresser à des questions tellement plus larges…
D’autre livres, moins universels peut-être, mais pas moins passionnants dans les évocations de la condition et du travail de l’artiste :
« La réalité de l’artiste » de Rothko (Champs, Flammarion)
« Le monologue du peintre » de Charbonnier (Ed. de la Villette), série d’entretiens radiophoniques avec plusieurs artistes du 20è siècle,
« L’atelier contemporain » de Francis Ponge (Gallimard), un cas particulier, puisque le poète évoque ses amis artistes,
« Le jour et la nuit » de Braque (Gallimard),
« Contre-courant » (Stock) et « la quête de la réalité » (Gonthier), d’Edouard Pignon
« Vie des formes » de Henry Faucillon (PUF), texte suivi d’un magnifique « Eloge de la main »,
« Vide et plein » de François Cheng (Points essais)
« L’œuvre picturale et les fonctions de l’apparence » de René Passeron, texte d’analyse très fouillé,
« Entretien avec Pierre Soulages » de Charles Juliet (l’Echoppe)
« Le traité du paysage et de la figure » de André Lhote (Grasset & Fasquelle), au titre un peu daté mais au contenu toujours actuel si l’on parle de la composition. Un peintre enseignant qui à son époque ne mâchait pas ses mots…

J’ajoute à ma sélection des essais ou recueils de réflexions personnelles de certains artistes, autant écrivains que peintres. Ces textes sont pour moi des gourmandises littéraires : « Lettre suit » d’Alechinsky chez Gallimard (et tellement d’autres de ce grand discret, « Remarques marginales », par exemple), « La leçon du miroir » de Titus Carmel (l’Echoppe), « Connivences secrètes » ou « L’objet, le dessin et le reste » de Louis Pons (chez Fata Morgana, l’éditeur des grands discrets). J’y ajouterai les livres de Cueco, « Dialogue avec mon jardinier » (Seuil), bien sûr, mais surtout « Le journal d’une pomme de terre » (Stock), et « La petite peinture » (Cercle d’art).

Plus resserrés encore sur leurs personnalités, mais aidant sans conteste à comprendre l’œuvre et l’artiste, les entretiens de Bacon avec Michel Archambault (Gallimard, Folio), le « Journal d’un génie » de Dali (l’Imaginaire, Gallimard) « la pratique de la peinture » de Tapiès (Folio).

Tous ces livres de paroles d’artistes, au bout du compte, rapprochent les créateurs, posent les authentiques questionnements de l’art, et les offrent à notre réflexion.

Certains auteurs — critiques, philosophes, chercheurs, historiens— ont écrit sans être artistes (à la connaissance du lecteur, en tous cas) des livres importants sur l’art : Claude Roy (« L’amour de la peinture », Gallimard, Folio essai), Claude Levi-Strauss (« Regarder, écouter, lire » chez Plon), Daniel Arasse (« On n’y voit rien » chez Gallimard Folio, et d’autres), Pierre Cabanne (« le siècle de Picasso », une palpitante histoire de l’art du 20è siècle au travers de la vie de Picasso).

Pourquoi pas quelques essais sur l’art qui eux n’ont pas vocation à réconcilier les artistes, mais plutôt à porter des points de vue critiques, qui bousculent la pensée unique ambiante, essais dont j’avoue me délecter assez souvent.
« Misère de l’art » de Jean-Philippe Domecq (Calmann Levy, ou Pocket)
« Les mirages de l’art contemporain » de Christine Sourgins (Table Ronde)
Pour apporter une réflexion croisée, je citerais aussi quelques ouvrages contradictoires ou complémentaires, « La querelle de l’art contemporain » de Marc Jimenez (Folio essais), « L’art à l’état gazeux » d’Yves Michaux, chez Hachette (dont au final je n’ai pas réussi à savoir ce qu’il pensait vraiment). Pour y comprendre quelque chose dans la jungle contemporaine, les ouvrages de Jean-Luc Chalumeau sont également d’utiles références.

Un ouvrage technique que les artistes d’avant-garde me reprocheront de lire et de conseiller, puisqu’il aborde une discipline réputée « historique », morte (comme il y a des langues mortes), et par conséquent sans intérêt aujourd’hui : « La technique de la peinture à l’huile » de Xavier de Langlais.

Et il y en a tant d’autres qu’il faudra sans doute un nouvel article.

J’attends maintenant que l’on me conseille d’autres ouvrages, textes, paroles d’artistes ou à propos d’artistes, pour m’aider à rassasier ma faim de découvrir, d’apprendre, de comprendre, et de transmettre.

 

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