condition d'artiste

Mauvais numéro

J’ai regardé, comme beaucoup, la dernière conférence de presse destinée à annoncer de nouvelles mesures, restrictives, évidemment. Nous avions donc des ministres en spectacle, debout sur une scène, entrant, sortant, jouant devant un parterre de journalistes, masqués et espacés selon les recommandations en vigueur. Tous ces gens, acteurs et spectateurs, ont donc droit au spectacle, eux. Ce qui démontre qu’il y a bien deux poids deux mesures. Les spectacles ministériels (désastreux, au demeurant) sont autorisés, et un certain public est autorisé à y assister. Quelle différence avec une salle de théâtre ou de cinéma ? L’essentialité, sans aucun doute. La pantalonnade officielle est donnée pour la bonne cause. Les films, les pièces, les expositions, pour la mauvaise. Dans cette comédie, les acteurs se masquent et se démasquent, avec des gestes appuyés, montrant le bon exemple aux citoyens infantiles. La sinistre ministre de la distraction allant même jusqu’au sketch du nettoyage de micros après le passage de son « collègue ». Elle était grotesque. Elle pensait sans doute que nous avions très envie de nous amuser.

Chaque acteur, ayant bien appris son rôle, enlevait donc consciencieusement son masque à chaque prise de parole, le remettait ensuite. Certainement pour qu’elle soit bien claire, cette parole, qu’elle ait du poids, qu’elle entre bien dans nos crânes obtus. Le masque aurait empêché une parfaite compréhension. Mais les professeurs et maîtres, dans les lycées, collèges et écoles, n’ont pas ce droit ; eux doivent continuer d’assourdir leurs propos, leurs expressions, devant des élèves qui, lorsqu’ils s’expriment, étouffent les leurs. Deux poids, deux mesures, encore.

Et qu’avons-nous appris, nous qui attendions une réponse à nos incertitudes quant à la possibilité de mener à bien nos projets artistiques ? Rien, le vide absolu, noyé dans des excuses fallacieuses. Évidemment, nous nous en doutions, mais il était intéressant de voir la façon dont on nous annoncerait… rien.

Les artistes, les acteurs de la culture, ont eu la joie d’apprendre qu’ils peuvent créer, répéter autant qu’ils le veulent, mais qu’ils ne pourront pas montrer, jouer, chanter, danser dans la réalité du monde, dans l’espace vrai d’un lieu dédié, d’un temps libre, d’un moment partagé. Et ce, jusqu’à nouvel ordre.

 

Après La peste, ne serait-il pas temps de lire ou relire L’homme révolté ?

 

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