L’époque et son évolution laissent supposer et craindre que les peintres paysagistes n’auront bientôt pas d’autre choix que de représenter la nature morte.
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Je ne mourrai pas de ne pas avoir vu Venise, ou Naples, ou tout ce qu’on se doit d’avoir vu avant de mourir.
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Un rassemblement d’athées serait une chapelle.
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On interdira bientôt, quel dommage, les feux de cheminées au coin de l’hiver, et les feux d’herbes au fond des jardins sauvages, cela pour protéger notre planète des fumées chargées de particules plus ou moins fines. Je me console en pensant que le bûcher des vanités, lui aussi, sera un jour ou l’autre visé par la législation.
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« Prendre les choses avec philosophie » dit le lieu commun. Ne confond-on pas avec fatalisme ? Le fatalisme est peut-être une mais pas la philosophie.
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Il est plus courant de reprocher aux écrivains leur autobiographie qu’aux peintres leur autoportrait.
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Hiver dernier, dans le métro : une religieuse coiffée, emburée et sandalée entre dans le wagon, s’assoit. Dans un geste de grand recueillement elle porte les mains jointes devant son visage. Puis se mouche.
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Ceux qui affirment avoir « refait leur vie » croient donc à la réincarnation.
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Cet écrivain a beaucoup plus de vocabulaire quand il écrit que quand il parle. Promotion télévisuelle oblige.
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Du suffixe-iste : l’aquarelle pratiquée par les aquarellistes me semble plus proche de la doctrine que de l’art. De même pour le pastel et les pastellistes, le portrait et les portraitistes, etc. L’artiste, moins soumis, ne l’est qu’à ses visions. Plus libre, il choisira naturellement et sans obligation le médium qui répondra le mieux, sur le moment, à l’expression de ces visions.
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(« Emburée » me semble être une bonne valise pour y mettre à la fois le tissu grossier et la barrière qu’il représente)
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« Pour un art abstrait sans a priori » dit ce patron d’une galerie de par chez moi pour vanter son lieu à la presse locale. Je me demande si le qualifier d’abstrait, cet art, n’est pas déjà un a priori.
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Aller à l’atelier, entrer en scène devant soi-même. Trac.
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Fin d’automne. Quand toutes les feuilles sont à terre, il ne nous reste qu’à attendre (espérer) la saison prochaine. Leur chute sert à ça, aussi : vivre l’espoir.
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Si je n’aime pas beaucoup les gommes, c’est parce qu’elles font tomber le dessin dans l’oubli.
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Les carnets de dessins sont aussi intimes que les manuscrits, et réciproquement.
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Le vieux loup, à force d’être solitaire, devient seul.
Le vieil ours, à force d’être mal léché, s’assèche.
Par-dessus le marché, aucun des deux ne rajeunit.
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Si l’auriculaire peut s’introduire dans l’oreille, il s’agit de veiller à l’orthographe de l’annulaire.
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Bon dimanche, un oxymore.
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Pourquoi parle-t-on tant des aquarellistes et des pastellistes, et jamais des acryliquistes, des huileux, des crayonnants, des fusainistes, des encriers, des sanguins, des glaçants, des (sales) gouachistes, des emplumés ? Seraient-ils plus puristes que les autres pour être tant considérés ? On a pourtant vu plus d’un aquarelliste gommeux et des pastellistes fort poussiéreux.
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Dans l’administration, on a de moins en moins affaire à des gratte-papier, mais de plus en plus à des tape-clavier. Je ne pense pas que l’on gagne au change.
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Cette vieille dame, au cœur de la canicule, va arroser ses fleurs chaque soir en oubliant de boire.
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L’emploi de la gomme ne se justifie que par ce qu’il ajoute.
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Je n’ai pas de joie à cacher.
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